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Elle pèse la « couche » de sa mère et décide d’écrire au Ministre de la Santé

Lettre ouverte adressée au Dr Gaétan Barrette, Ministre de la Santé et des Services sociaux du Gouvernement du Québec

31 mars 2017

Cher Docteur Barrette,

J’étais pleine d’espoir lorsque le Protecteur du citoyen a lancé une enquête à la suite des plaintes de l’étudiante qui a dénonçé les quotas limitatifs de produits d’incontinence dans les établissements de soins de longue durée (CHSLD) du Québec.

J’espérais que l’enquête suscite un changement car je comprends la torture et l’impuissance ressenties quand on sait qu’un aîné de sa famille est victime de maltraitance. Des milliers de Québécois comme moi sont témoins de situations maltraitance subies par leurs proches qui résident dans des CHSLD publics ou privés du Québec.

Ma mère, qui a vécu avec la maladie d’Alzheimer, est entrée dans un CHSLD privé le 16 novembre 2012. Dans ce centre de “soins”, son état s’est détérioré davantage au cours de ses deux premiers mois de résidence que durant les deux années qui ont précédé son entrée. Or, un jour de septembre 2013, j’ai remarqué que sa culotte d’incontinence débordait. Ce n’était pas la première fois, ni la dernière. Découragée par cette situation indigne et dégradante, subie à répétition par ma mère, et ce, malgré mes multiples plaintes, j’ai donc décidé de prendre une photo et de peser sa culotte. Regardez la vidéo :

Je suis certaine que vous êtes au courant, Dr Barrette, que la quantité moyenne d’urine émise par un adulte en bonne santé en une journée varie entre 800 millilitres et deux litres (un adulte boit environ 2 L d’eau/jour). Vu que sa culotte pesait 1 028 gms ce jour-là, on avait laissé ma mère dans son urine durant au moins 11 heures.

En réponse à mes demandes répétées de changer ma mère plus souvent, on m’a pourtant affirmé que cela était fait à toutes les deux heures, ce qui était complètement faux. La culotte d’incontinence de ma mère était toujours mouillée et/ou souillée lorsque je la visitais, peu importe le moment où j’arrivais.

Le manque de soins d’hygiène a causé non seulement de l’inconfort et de l’humiliation à ma mère, mais également des infections de vessie, dont la dernière qu’elle a subie était six semaines avant son décès le 17 août 2016. Pourtant, pendant que je m’occupais d’elle (avant son entrée au CHSLD), elle n’avait jamais souffert d’une infection urinaire.

Quand j’ai su qu’il y avait une enquête du Protecteur du citoyen, j’ai tenu à y participer. J’ai parlé longuement au téléphone avec une représentante du Protecteur. Je lui ai raconté mon histoire, incluant l’incident mentionné ci-haut. Je lui ai expliqué que nous payions pour les culottes d’incontinence de ma mère; il n’y avait aucune raison de les rationner. Je lui ai dit que l’expérience de maman n’avait rien à voir avec les quotas mais était selon moi plutôt une question de manque de personnel et de soins, de formation et de connaissances, et surtout un manque de compassion et compréhension des besoins des personnes âgées souffrant d’Alzheimer.

Le premier paragraphe du Rapport d’intervention concernant les quotas limitatifs de produits d’incontinence du Protecteur du citoyen (publié en mars 2017) dit que « l’enquête visait à s’assurer que les droits des personnes âgées hébergées soient respectés et qu’elles soient traitées avec dignité et respect ».

Où sont passés le “respect” et la “dignité “, Dr Barrette, quand la culotte d’incontinence d’une femme de 86 ans déborde et pèse plus d’un kilo ? Pouvez-vous vous imaginer à quel point cela peut être inconfortable? Et pensez à l’humiliation que cela entraîne…

L’enquête du Protecteur du citoyen ainsi que le rapport mentionné précédemment passent complètement à côté du problème réel, tout comme le brouhaha entourant le scandale du « bain une fois la semaine » et celui des « pommes de terre déshydratées » … Ce sont là les symptômes de problèmes beaucoup plus graves.

La majorité des infirmiers, infirmières et autres travailleurs de première ligne dans les CHSLD n’ont aucune intention de causer du tort aux patients. Malheureusement, la négligence et l’abus résultent d’un système dont ils font partie, et bien qu’involontaires, ces erreurs demeurent inacceptables. Le véritable problème est l’absence d’une culture des soins, de la compassion et de la compétence en ce qui concerne les soins de longue durée. 

Il est temps de cesser de défendre le système et de commencer à défendre les gens, c’est-à-dire les résidents, leurs familles et les travailleurs qui veulent faire avancer les choses et prendre réellement soin de leurs patients au lieu d’être forcés à les négliger et à les laisser dépérir dans des installations qui sont devenues des entrepôts pour les vieux, les infirmes et ceux qui souffrent d’une déficience neurologique. Il est temps de se poser les vraies questions et d’écouter ceux qui dénoncent les vrais problèmes et qui disent la vérité. Il faut prendre des mesures immédiates et efficaces pour corriger ce qui ne tourne pas rond dans les CHSLD du Québec.

Ceux et celles qui, comme moi, prônent de meilleurs soins dans les CHSLD, veulent travailler avec vous pour créer des résultats positifs, mais vous devez d’abord nous écouter et considérer nos préoccupations au lieu de les réfuter. Nous vous demandons de nous inclure dans le processus décisionnel plutôt que de nous en exclure ; nous avons besoin de travailler ensemble dans un esprit de coopération. Rappelez-vous que nous sommes des électeurs et non des ennemis.

Nous devons intervenir maintenant. Dans l’intérêt de nos aînés et dans notre propre intérêt.

Dans l’attente de votre réponse et de votre collaboration, veuillez accepter mes sincères salutations.

Susan Macaulay
Défenseure du respect des droits des personnes atteintes de troubles cognitifs

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2 thoughts on “Elle pèse la « couche » de sa mère et décide d’écrire au Ministre de la Santé”

  1. Bonjour Madame. Je vous félicite pour cette initiative que je vais partager de ce pas sur ma page FB. Je tenais à vous dire aussi que l’enquête du Protecteur du citoyen à été enclenchée suite à mon passage à l’émission Tout le monde en parle et aux nombreux témoignages tel le vôtre que j’ai reçu par dizaines.

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    1. C’est moi qui vous félicite Jean Bottari à propos de votre travaille en respect de l’amélioration des conditions dans les CHSLDs. J’ai bien vue l’émission Tout le monde en parle ici sur YouTube, et je vous remercie d’avoir partager la lettre ci-haut sur votre page FB que je suis depuis longtemps. Vous avez raison — on a le même but!

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