Le problème de prescription excessive de médicaments au Québec, en particulier pour les personnes âgées et tel que discuté précédemment dans un article de mon blog, est devenu tout à fait hors de contrôle.
Une étude menée par les chercheurs de l’Université McGill en 2015 révèle que « 12 % des médicaments prescrits par les médecins québécois étaient utilisés pour traiter d’autres maux que ceux pour lesquels ils ont été approuvés et que dans 80 % de ces cas, il n’y avait pas de preuves scientifiques pour appuyer la décision du médecin de les prescrire. »
Un article du journal Montreal Gazette à propos de cette étude rapporte que « les médicaments couramment prescrits pour une utilisation non indiquée sur l’étiquette sont principalement ceux qui affectent le système nerveux central, soit les antidépresseurs, les antipsychotiques et les anticonvulsivants. Les patients qui consomment ces médicaments signalent plusieurs effets secondaires indésirables comme la prise de poids, les nausées, les douleurs abdominales, la somnolence, les étourdissements, les pertes d’équilibre et la confusion. »
Ma mère, qui a vecu avec la maladie d’Alzheimer, a ressenti tous ces effets secondaires suite à la prise d’antipsychotiques. Ces médicaments sont de plus en plus prescrits de façon inappropriée à des milliers de personnes âgées vivant avec la maladie d’Alzheimer au Québec. Philippe Voyer, chercheur, professeur en soins infirmiers et responsable de l’équipe de mentorat du Centre d’excellence sur le vieillissement de Québec, qualifie d’abusifs les niveaux auxquels les antipsychotiques sont prescrits aux personnes âgées qui sont aux prises avec la maladie d’Alzheimer.
Et ce n’est pas un problème récent. Un des principaux chercheurs ayant collaboré à l’étude de 2015 mentionnée ci-dessus avait mené une étude similaire en 1990 concluant que :
« La prévalence de prescriptions non indiquées et impliquant un haut risque [au Québec],en particulier celles de médicaments psychotropes, est importante chez les personnes âgées. Cela peut représenter un important facteur de risque de maladies reliées à la consommation de médicaments chez les personnes âgées et ce risque pourrait être évité. »
Et les choses semblent empirer. Les résultats des recherches de 1990 et 2015 trouvent écho dans le rapport intitulé LES MÉDICAMENTS D’ORDONNANCE: Agir sur les coûts et l’usage au bénéfice du patient et de la pérennité du système, publié par le Gouvernement du Québec en 2015.
Selon ce rapport, « l’utilisation accrue de certains médicaments d’ordonnance est remise en question, en particulier dans certains groupes de la population, y compris les personnes âgées et les enfants. »
En outre, selon un rapport de l’ Ontario Drug Policy Research Network, l’utilisation des antipsychotiques chez les personnes âgées au Québec, déjà la plus élevée au Canada en 2009 avec 1 000 prescriptions pour 1 000 adultes âgés de 65 ans et plus, avait augmenté de 31 % en cinq ans et se situait à 1 314 prescriptions en 2014.
Il s’agit d’une pratique coûteuse. Mais au-delà de la charge financière découlant de la surprescription se trouve un coût humain, en particulier pour les enfants et les personnes âgées, et spécialement pour les aînés extrêmement vulnérables qui vivent avec des troubles cognitifs et qui sont incapables d’exprimer leur propre opinion sur le sujet. On prescrit des médicaments antipsychotiques à beaucoup trop d’entre eux alors que l’on devrait plutôt les traiter de façon plus humaine et avec gentillesse, compassion et compréhension.